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Shackleton : tenir ensemble quand tout s’effondre

Ce que l’Histoire a à dire aux leaders d’aujourd’hui

Il y a des moments où les plans deviennent inutiles. Où la stratégie n’est plus qu’un luxe intellectuel. Reste alors le collectif, l’engagement, la présence.

C’est dans ces moments-là que certains leaders révèlent l’essentiel : leur capacité à maintenir une équipe debout, sans horizon, mais debout ensemble.
 
C’est exactement ce qu’a fait Ernest Shackleton, explorateur britannique, en 1915.

Une expédition impossible

Son projet ? Traverser l’Antarctique d’un océan à l’autre, à pied, en traîneau. Une prouesse jamais tentée. Il recrute une équipe de vingt-sept hommes, embarque sur un navire baptisé Endurance, et quitte les côtes de Géorgie du Sud à l’aube de l’hiver austral.
 
L’Endurance n’atteindra jamais le continent blanc. Très vite, la banquise piège le bateau. La glace l’enferme. Le broie. En quelques semaines, la mission s’effondre. L’expédition scientifique devient une lutte pour la survie.
 
À ce stade, de nombreux chefs auraient cédé : au découragement, à l’isolement, au conflit. Pas Shackleton.

Reconfigurer la mission

Il prend une décision immédiate :
 
L’objectif n’est plus de traverser l’Antarctique. C’est de rentrer vivant. Tous.
 
Dès lors, il change tout. Il transforme l’échec de l’exploration en un projet collectif de survie.Il crée de nouveaux repères : tâches à partager, routines à respecter, temps de sociabilité, chants, repas communs.
Il surveille les tempéraments fragiles. Il soutient ceux qui vacillent. Il ne laisse personne de côté.
 
Pendant des mois, l’équipage campe sur la glace. Puis dérive sur des radeaux. Jusqu’à l’île de l’Éléphant : un désert de roche battu par les vents. Et enfin, dans une tentative folle, Shackleton traverse 1 300 kilomètres d’océan sur un canot pour aller chercher du secours. Il revient. Et il sauve tout son équipage.
 
Pas un seul mort.

Ce que cela dit du leadership en incertitude

On célèbre souvent les dirigeants qui réussissent « grâce à leur vision ».
Shackleton, lui, a tenu alors même que sa vision s’écroulait. Il nous apprend que, dans l’incertitude radicale, la vraie compétence n’est pas de prévoir, mais de préserver.
 
Préserver la cohésion, la confiance, la dynamique du groupe. Maintenir des gestes, des mots, des règles, même quand tout paraît absurde. Être là, simplement, sans fuir.
 
Shackleton ne savait pas où il allait, mais ses hommes savaient qu’il n’abandonnerait jamais.
Et c’est souvent cela, le cœur du management : rendre la solitude collective vivable.

Ce que ça change pour nous

Diriger en environnement incertain ne consiste pas à « attendre que ça passe ». Cela suppose de reformuler sans cesse le projet, d’ajuster les priorités, de mettre l’humain au centre, non comme une posture, mais comme une pratique quotidienne.
 
On ne gère pas une crise comme un plan stratégique. On l’habite avec son équipe.
 
Et parfois, ce n’est pas l’ambition qui fait la grandeur d’un leader, mais sa capacité à maintenir du lien, de la dignité et du mouvement, là où il n’y a plus rien d’autre.
 
 
 

 
Pour approfondir :
  • Endurance – Shackleton’s Incredible Voyage, Alfred Lansing
  • The Heart of the Antarctic, Ernest Shackleton
  • Podcast France Inter – Le code Shackleton
  • Shackleton’s Way, Morrell & Capparell – Harvard Business Review Press
 
 

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Sébastien Saint-Cricq

Sébastien Saint-Cricq

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